mardi 30 décembre 2014

Jouets de Noël

Une campagne publicitaire des Nouvelles Galeries en 1925


     Une partie de la production graphique de Jean Routier résulte de commandes publicitaires. La grande majorité concerne le monde automobile : constructeurs d'automobiles (De Dion-Bouton, Voisin), ou équipementiers (Dunlop, Solex, Spidoléine, etc.). On connait moins les commandes émanant de grands magasins, par exemple la Belle Jardinière ou encore Les Nouvelles Galeries.

     Le jeudi 3 décembre 1925, une publicité des Nouvelles Galeries, signée de Jean Routier, est publiée dans les principaux journaux parisiens : les "quatre  grands" (le Journal, le Matin, le Petit Parisien et le Petit Journal), mais aussi au moins onze autre titres quotidiens couvrant un large éventail social [1]. Elle montre un lapin musicien sur roulettes poursuivi par six bouledogues attelés ;  sur chaque chariot et fixée une des lettres du mot "Jouets". Bien qu'il soit difficile d'évaluer le tirage de la presse de cette époque [2], on peut affirmer que le total atteint par ces quinze titres correspond à plus de 2 millions d'exemplaires, ce qui fait de ce dessin la production sans doute la plus diffusée de Jean Routier, mais aussi l'une des plus éphémères !


Le Figaro, jeudi 3 décembre 1925, défet 30,5 x 15,5 cm (doc. de l'auteur)



 La Lanterne, jeudi 3 décembre 1925
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

     
Le site    
     Le 20, Boulevard Bonne-Nouvelle (Paris, 10e) a d'abord été occupé par le Bazar Bonne-Nouvelle, fondé en 1838, transformé en 1863 en un grand magasin dénommé "A la Ménagère". Racheté par la Société Française des Nouvelles Galeries Réunies, le bâtiment est rebâti après un incendie en 1899 ; les Nouvelles Galeries y édifient leur magasin de détail, à son tour victime d'un incendie le 12 juillet 1930 qui met fin à cette implantation et laisse place à un terrain vague jusqu'à l'installation d'un bureau de la  Poste et d'un central téléphonique vers 1953 [3].


 
Incendie du magasin des Nouvelles Galeries - Agence Meurisse, 1930
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Jouets
     Je n'ai pas fait de recherche particulière sur les jouets de 1925, mais étant tombé par hasard sur un article du Journal consacré au sujet (signé E. C.), j'en retiens un extrait qui mentionne les bouledogues.



 Le Journal, mardi 22 décembre 1925
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

     Je n'ai pas trouvé d'images de jouet correspondant au lapin. En revanche, on trouve sur les sites de ventes aux enchères, des bouledogues en carton avec système de chaines ouvrant la gueule de l'animal et provoquant un aboiement [4].




Addendum du 9 janvier 2015 
Voici une photo de jouet bouledogue [5]

 Galerie de Chartres, vente du dimanche  2 décembre 2007, n° 602


Notes
[1] Ce dépouillement a été réalisé dans Gallica : L'Action Française, L’Écho de Paris, Le Figaro, Le Gaulois, L'Homme libre, L'Humanité, L'Intransigeant, La Lanterne, Le Matin, Le Rappel, Le Siècle, Le Temps. En revanche, cette publicité est absente de La Croix, Le Journal des Débats, La Presse.
[2] Martin (Marc).- Brouillard sur la diffusion de la presse française durant l'entre-deux-guerres. In: Matériaux pour l'histoire de notre temps. 2000, N. 58. Le secret en histoire. pp. 54-56.
Consulté le 28 décembre 2014
[3] Marco (Luc).- Le bazar, chaînon manquant entre le magasin de nouveautés et le grand magasin : opportunités et risques au début du XIXe siècle. Responsabilité et Environnement, n° 55, juillet 2009, p. 48-55 (Publication des Annales des Mines ; http://annales.org/re/2009/re55/Marco.pdf)
[4] Galerie de Chartres, Chartres, vente du 2 décembre 2007 lot n° 602 ; Le Calvez et associés, Auvers-sur-Oise, vente du 28 avril 2011, lot  n° 53.
[5] Avec l'autorisation, en date du 7 janvier, de Me Jean-Pierre Lelièvre, commissaire priseur à la galerie de Chartres, maison de vente aux enchères spécialisée notamment dans les jouets et la musique mécanique, 10 rue Claude Bernard, 28630 Le Coudray. Je l'en remercie vivement.

samedi 2 août 2014

Mobilisation (2 août 1914)



     





     Comme tous les Français de sa génération en état de porter les armes, Jean Routier est mobilisé  suite au décret du Président de la République. Le premier jour de mobilisation indiqué sur les affiches placardées sur tous les murs est le 2 août. Chaque réserviste doit se rendre au lieu indiqué sur son livret militaire.

     Celui de Jean Routier lui enjoint d'être dès le 3 août avant 4 heures de l'après-midi à la caserne du Muy Saint-Charles, à Marseille, pour être incorporé au 341e Régiment d'Infanterie.






Livret militaire de Jean Routier - Coll. A.Z. (cl. de l'auteur)


      Jean est alors sergent. Engagé volontaire en novembre 1904 et incorporé au 39e Régiment d'Infanterie (Rouen ?), il a bénéficié d'une disposition de la loi de 1889 réduisant, pour les jeunes gens issus des grandes écoles, le service militaire à un an  (au lieu de trois). Il est en effet à l'École des Langues Orientales, mais songe déjà semble-t-il à se présenter au très sélectif « concours des places » de l’École Nationale et Spéciale des Beaux-Arts. Deuxième classe jusqu'à son placement en disponibilité en septembre 1905 avec le grade de caporal. Il est promu sergent le 1er avril 1906, et accomplit plusieurs périodes d'exercice obligatoire en 1907, 1910 et 1913. 



 Jean Routier en 1904-1905, au 39e R.I  - Coll. SZR. (cl. de l'auteur)


      Je ne dispose d'aucun document de l'intéressé sur ces journées du début d'août 1914. Heureusement, son frère a laissé quelques notes.


Le témoignage de Daniel  

      Daniel, son frère cadet, interne des hôpitaux de Paris a accompli son service militaire au 27e bataillon alpin de chasseurs à pied, en garnison à Menton, du 7 octobre 1905 au 18 septembre 1906, en bénéficiant comme son frère des dispositions de la loi de 1889. Soldat de 2e classe, puis médecin auxiliaire à compter du 24 avril 1906. En 1914, il est mobilisé au 15e groupe de brancardiers de corps, à Marseille.
     Il tient un carnet "Guerre de 1914" du samedi 1er août 1914 au 28 avril 1915, dans lequel il décrit son activité quotidienne. C'est par ce carnet - conservé par sa petite fille qui a bien voulu me confier le soin de le transcrire - que nous avons quelques nouvelles de Jean. 












Carnet "Guerre de 1914" de Daniel Routier -
Coll. S.Z.R. (cl. de l'auteur)



 En voici quelques extraits 
Samedi 1er août : (...) " Jean et Suzy sont partis en auto pour un voyage dans les Alpes." [Jean Routier marié en février 1911, avec Suzanne Laurans, était père d'une petite fille, Alice, depuis août 1913].

Dimanche 2 août : (...) " Papa est rentré d'Astaffort, mais pour le moment il est sorti. Il est allé avenue de la Bourdonnais, chez Jean, chercher son livret." (...)

"Jean, paraît-il, n’ayant pas son livret est parti aujourd’hui dimanche pour Marseille."

Mercredi 5 août

 

     "Je me lève à 7h. Le temps est radieux. Après le petit déjeuner, je vais chez le coiffeur et me fait tondre au n° 1. Puis je vais à la caserne Muy St Charles. Là le sergent me renvoie à la nouvelle Faculté des Sciences où l’on a logé la réserve du régiment. J’entre et je tombe aussitôt sur Jean déjà habillé en sergent. Il est arrivé à Marseille après 42 heures de train le Lundi après midi . Nous nous racontons mutuellement nos péripéties et il me présente le soldat Moulonguet, cousin de mon collègue et secrétaire général de la Nièvre.
    Je quitte Jean à 10 h et vais au Rouet. Je passe au bureau, on me renvoie au lendemain pour toucher mon indemnité de mise en campagne et après m’avoir fait faire ma plaque d’identité je vais au magasin d'habillement où je rencontre Cambéssédès mon collègue de Paris. On me donne un équipement d’homme de troupe : petite veste, pantalon rouge, capote, képi, brodequins et un revolver. Grâce à l’amabilité du sergent Jean, je touche un quart, une trousse, la quantité plus que suffisante de galon, des caducées et une cantine. "
 (...)
[Le soir Daniel dîne avec Jean au Terminus ] " Le dîner est excellent, je bois de la bonne bière bien fraîche et je mange beaucoup de beurre."

    " Nous écourtons notre séjour à table postprandial,  car Jean doit être à 9 h à son quartier. C'est à deux pas, nous y allons. Les abords de la faculté où se trouve le 341e sont noirs de monde, hommes, femmes et enfants qui viennent faire leurs adieux à leurs parents qui partent. Les couloirs sont noirs, néanmoins nous pénétrons dans la salle couverte de paille où Jean a sa place pour dormir.
     Longtemps là nous causons, puis n’ayant pas de cigarettes je sors avec lui sur le pas de la porte. Un de ses hommes m’offre du tabac qu’au goût je reconnais être du Maryland.
      Jean et moi sommes assis sur les marches dans le noir. Soudain surgit un officier, un capitaine qui cherche ses hommes pour les rassembler. Le 341e part pour la Bocca cette nuit et c'est la 1ère compagnie qu'on met en route. Le capitaine armé d’une lampe électrique de poche cherche dans l’ombre les hommes équipés, il est nerveux, il fait circuler les parents, les femmes, les hommes non équipés ; il tombe enfin sur ceux qui sont assis sur les marches de la porte. Prudent je m’esquive, mais Jean et les autres ne bronchent pas ; le capitaine est furieux, il voit un sergent et l’interpelle, c’est Jean, il lui donne l’ordre de rentrer en lui disant : « Ce n’est pas la caserne ici, nous sommes en temps de guerre ! ». Jean rentre, moi j’attends que l’irascible capitaine ait pris de la distance.
     Au bout d’un moment je rentre dans le bâtiment et trouve Jean étendu sur la paille à coté de Moulonguet. Je reste encore quelque temps avec lui et à 11 h je le quitte, nous nous embrassons, c’est pénible de quitter mon pauvre Jean ; pour le moment je ne m’inquiète pas car je sais qu’il part pour la frontière italienne."

     De fait, le 6 août, le 341e quitte Marseille mais ne semble pas gagner la frontière italienne comme l'affirme son historique sommaire [1], mais Mouans-Sartoux, entre Cannes et Grasse, où il s'entraîne (marches, tirs) et s'organise du 7 au 19 août, avant de s'embarquer en gare de Cannes la Bocca,pour se porter sur la Meuse. Le 22 août, il débarque à Saint-Mihiel et  Bannoncourt, où il est affecté à la défense mobile de Verdun [2].
Daniel quant à lui rejoint la région de Nancy et participe à l'avancée rapide du XVe corps d'armée en Lorraine (affaire de Dieuze) et à sa retraite [3]. 

Les deux frères auront l'occasion de se revoir, un peu plus tard, en Lorraine. 

Notes

[1] Historique sommaire du 341e Régiment d'Infanterie pendant la guerre 1914-1918. Nancy - Paris - Strasbourg : Imprimerie Berger-Levrault, 32 p. (http://tableaudhonneur.free.fr/341eRI.pdf)
[2] Journal de marches et opérations du 341e (cote : 26 N 756/5) ; en ligne sur http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/arkotheque/inventaires/ead_ir_consult.php?&ref=SHDGR__GR_26_N_II)
[3] JMO du 15e corps d'armée, direction du service de santé, groupe de brancardiers de corps (cote : 26 N 157/12) ; en ligne sur http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/arkotheque/inventaires/ead_ir_consult.php?&ref=SHDGR__GR_26_N_I


 




Famille


     Jean Routier, né en 1884, est l'aîné d'une fratrie de trois : un frère, Daniel, né en 1887 ; une sœur, Suzanne, née en 1891. C'est la première génération "parisienne" d'une famille issue du Lot-et-Garonne  où elle conserve de fortes attaches.


  
  Daniel, Suzanne et Jean Routier - cl. non daté [c. 1897 ?] - coll. SZR

 

 Voici un arbre généalogique simplifié :

 

 

Du coté paternel,

le père Arnaud Edmond Routier (1853-1935) est médecin. Après des études à Agen, il monte à 
Paris et y mène une brillante carrière de chirurgien des hôpitaux qui le conduit à l'Académie de Médecine (1914). Cette profession est une tradition familiale : son arrière grand-père, son père, furent médecins ainsi que deux de ses cousins.


Du coté maternel,

la documentation est pour l'instant moins fournie. La mère,  Marie-Louise Hélène Griveau (1860- 1938) avait semble-t-il deux frères artistes peintres : Lucien (1858-1923) et Georges (1863-1943), tous deux assez célèbres pour figurer dans les dictionnaires spécialisés : Curinier [1], Bénézit, Allgemeines Künstler-Lexikon [2], ou avoir des tableaux dans des collections publiques (musée d'Orsay, Bordeaux).



     Que Jean ait fait une carrière artistique et Daniel une carrière médicale ne doit pas conduire à  formuler des conclusions hâtives sur les vocations professionnelles. On ignore tout aussi bien des pressions  que des influences  familiales sur ces choix. [3]


Réévaluation des sources

      Mon premier billet faisait état d'une documentation restreinte et de l'absence de témoignages. Ce n'est plus totalement vrai. Ma recherche m'a conduit, via une habitante d'Astaffort soucieuse de retracer l'histoire de sa maison et des ses anciens occupants (le Dr Arnaud Routier, père de Jean) et passionnée de généalogie, à retrouver des descendants de cette famille : d'abord, la petite-fille de Daniel et donc petite-nièce de Jean Routier ; puis plus tard, le petit-fils de Jean. Ils ont bien voulu m'accueillir, m'écouter et m'ouvrir leurs dossiers. De nouveaux documents, plus personnels, sont donc venus s'ajouter à la production imprimée et aux archives administratives, elles-mêmes plus nombreuses que je ne l'espérais. Le dépouillement, en cours, prendra encore du temps.
     Mais cela ne change rien à la démarche - collecter les pièces du puzzle -  qui se veut pointilliste et minutieuse, ni à la difficulté de dresser le catalogue de l’œuvre artistique.

 Notes 

[1] Curinier (C.-E.) dir.- Dictionnaire des contemporains. Paris : Office général d'éd. de librairie et d'impr., 1899-1919, t. 2, p. 80 (en ligne : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k82885h/f92.image)

[2] Allgemeines Künstler-Lexikon. München - Leipzig : K. G. Saur, 2009, Bd 62, p. 386-387.

[3] Une exposition "Daniel-Adrien Routier dit D.A.R. (1887-1963)" se tient tout l'été 2014 au musée Rignault, à Saint-Cirq-Lapopie (Lot). Ce cardiologue nourrissait aussi un talent de peintre. A cette occasion sont aussi exposées quelques œuvres de Jean  et quelques documents le concernant.

mardi 15 juillet 2014

Un bal démocratique : 14 juillet 1938


     Je n'ai trouvé - pour l'instant - qu'un dessin de Jean Routier ayant trait au 14 juillet. On y voit Marianne dansant avec John Bull personnification de la Grande Bretagne sous l'oeil attentif de l'Oncle Sam. 


Le cri de Paris n° 1917 - vendredi 15 juillet 1938 
source : Bibliothèque historique de la ville de Paris (cl. de l'auteur)



     Le lecteur de 2014 comprend bien cette célébration des démocraties face à la montée en puissance des dictateurs (Hitler, Mussolini, Franco) alors que les tensions se multiplient en Europe : guerre d'Espagne ; annexion de l'Autriche par l'Allemagne (mars 1938) ; revendications de Hitler sur le territoire des Sudètes. Une consultation de la presse de 1938 fournit l'explication de ce bal démocratique. La fête du 14 juillet 1938 se déroule dans un contexte d'amitié franco-britannique et de préparation de la visite des souverains britanniques.


Le Figaro n° 195 - 14 juillet 1938 
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
 
 
     La visite du roi George et de la reine Elizabeth, du mardi 19 au vendredi 22 juillet, fait naturellement la première page des journaux, occasion de célébrer l'Entente cordiale. Toutefois, le succès de cette visite ne doit pas faire oublier que, sous l'autorité de Neville Chamberlain, la Grande-Bretagne mène une politique étrangère d'apaisement et mène un dialogue direct avec l'Italie pour affaiblir l'axe Rome-Berlin. Deux mois plus tard interviendront les Accords de Munich (29 septembre 1938) qui entraineront la dislocation de la Tchécoslovaquie. Un dernier extrait de presse, relatif aux réactions internationales, rappelle "le sentiment toujours vivace de communauté entre les nations démocratiques" et  justifie bien la légende de la couverture de Jean Routier.

Le Figaro n° 201 - 20 juillet 1938 
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France



vendredi 4 juillet 2014

Le chemin de la victoire (1920)


     En 1920, Jean Routier illustre la couverture de l'ouvrage de Louis Madelin , Le chemin de la Victoire, publié en deux volumes chez Plon-Nourrit &  Cie, dans la collection « Bibliothèque Plon » dont ils constituent les n° 22-23 selon le catalogue imprimé sur la page de garde.

- Tome 1 – De la Marne à Verdun (1914-1916), 191 p. , cartes 1-8 h.-t.
- Tome 2 – De la Somme au Rhin (1916-1918), 185 p., 6 cartes h.-t.

Ces volumes, imprimés sur papier acide, sont fragiles : papier cassant, couvertures et cahiers se détachant. Cela explique que la BNF indique, dans son catalogue, ne pas communiquer l’original mais seulement un support microfiche.

               







Bibliothèque de l'auteur












     Cette édition, sans date, est parfois mentionnée comme parue en 1921 (par exemple dans la biographie de Madelin sur le site de l’Académie Française). La date est bien 1920, comme l’indique la liste bibliographique contenue dans le dossier de la Légion d’honneur de Louis Madelin et comme le prouvent les annonces dans la presse : Le Figaro, Supplément littéraire du dimanche, 3 et 10 octobre 1920, ou encore La Lanterne du 12 septembre 1920 dont je reproduis l’extrait.


 La Lanterne 12 septembre 1920
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


L'auteur




     Louis Madelin (Neufchâteau, 1871 – Paris, 1956), connu pour son œuvre monumentale sur le Consulat et l’Empire, est un historien. Agrégé d’histoire (1891), chartiste, membre de l’École française de Rome (1895-1898), docteur es lettres (1901 ; biographie de Fouché), chargé de cours à la Sorbonne (1904-1906 et 1908-1910) ce à quoi se bornera son enseignement à l'Université, chargé de mission aux États-Unis par le ministère de l’Instruction publique pour mener une enquête sur le Livre français (1907-1908). Chevalier de la Légion d’honneur (5 juillet 2013), à titre civil.


Louis Madelin
Agence Meurisse - 1923




     Mobilisé en août 1914, il sert comme sergent au 44e Régiment d’infanterie en 1914-1915, puis comme sous-lieutenant et lieutenant à divers états-majors, avant d'être attaché au GQG (Grand Quartier Général) dans la section d’information [1].
R. Porte [2] précise que Madelin est en outre « un chroniqueur régulier de plusieurs grands quotidiens et périodiques parisiens dans les colonnes desquels il défend les positions alors classiques de la droite catholique. Ses ouvrages sur la Grande Guerre s’inscrivent dans cette veine […] ». Cette production, abondante, est précoce :
- 1916 : L’Aveu. La bataille de Verdun et l’opinion allemande. Documents inédits. Plon, 79 p. Cet ouvrage est signé « Sous-lieutenant Louis Madelin »
- 1916 : La victoire de la Marne. Plon, 131 p., 2 cartes [on trouve une 23e édition en 1928]
- 1917 : La mêlée des Flandres, l’Yser et Ypres. Plon
- 1919 : Les heures merveilleuses d’Alsace et de Lorraine. Hachette, 248 p., couverture illustrée
- 1920 : La bataille de France (21 mars-11 novembre 1918). Plon, 379 p., 15 cartes en noir et en couleurs. [Texte en ligne sur archive.org] ; le texte avait déjà été publié en livraisons successives dans la Revue des deux mondes entre le 15 août et le 15 novembre 1919 : t. 52, p. 798-853 ; t. 53, p. 59-99, 270-310, 533-569, 785-828 ; t. 54, p ; 64-108, 314-363 [Texte en ligne sur Gallica]
- 1920 : Verdun. F. Alcan, 156 p. , carte (coll. « La France dévastée »)
- 1920 : Le chemin de la Victoire. Plon, 2 vol. [voir ci-dessus. Mais il existe aussi en 1920 une édition en un volume de 367 p. , sans illustration sur la couverture.] [3]
- 1925 : Le maréchal Foch. Paris : G. Crès, 104 p.
- 1929 : Foch. Paris : Plon, 269 p.
- 1934 : Verdun. Flammarion, 127 p., carte, pl. (coll. « Hier et Aujourd’hui) [Texte de 1920, complété]

     Après la guerre, Louis Madelin est couronné d’honneurs : croix de guerre ; titularisé à titre militaire comme chevalier de la Légion d’honneur (décret du 10 janvier 1918), Académicien (1927) ; promu au grade d’officier de la Légion d’honneur (1930, sur proposition de l’Intérieur, comme ancien député), puis au grade de commandeur (1956, sur proposition de l’Éducation nationale), dont la réception en juin 1956 précède de peu son décès (18 août 1956 ).
Il s'est essayé à la politique comme député des Vosges, son département natal, de 1924 à 1928, sous l’étiquette Union républicaine et démocratique (modéré), mais n’a pas été réélu.


   Louis Madelin à son bureau
Agence Meurisse - 1923

     Cette contribution à l’histoire de la Guerre 1914-1918, qui semble avoir été largement diffusée dans la décennie suivant 1918, n’est aujourd’hui guère retenue par les historiens et figure rarement dans les bibliographies. Œuvre lyrique, nationaliste, exaltant le caractère français, elle s’attache surtout à une vision stratégique, celle de l’État-Major et de ses chefs. Émile Henriot, dans son discours prononcé lors des funérailles, le 23 août 1956, en convient : « Avec Louis Madelin, c’est toute une conception de l’histoire qui disparaît ; (...) C’est surtout d’une façon de l’étudier et de la présenter qu’il semble bien avoir été le dernier praticien. » [4]. Elle avait rencontré assez rapidement les critiques, par exemple celle de Jules Isaac pour qui Henry Bordeaux et Louis Madelin produisent une « vérité pour salons académiques et sacristies distinguées » [5]. Autre pourfendeur de cette écriture de l’histoire, Jean-Norton Cru qui oppose ceux qui n'ont vu la guerre qu'à travers un QG ou un bureau de l'arrière et ceux qui l'ont vécue : « Les faits psychologiques corrigent encore bien des erreurs ; ils démentent l’épopée, la gloire, l’enivrement de la victoire que les histoires d’aujourd’hui veulent encore nous peindre. Comparez les récits historiques de Madelin et les souvenirs des poilus sur les mêmes événements. Le combattant qui gagnait du terrain dans la Somme avait une humeur aussi noire que celui qui reculait à Verdun. » [6]

     Pourtant, Louis Madelin a eu, par ses fonctions, accès à des sources qui lui auraient permis de donner d’autres points de vue. John Horne cite une série de rapports du Contrôle postal rédigés par le lieutenant  Madelin, affecté à la IIe armée dans le secteur de Verdun. Il peut alors apprécier le vécu des soldats, le moral bas mais aussi la reconstruction du souvenir [7]. Mais ce n’était sans doute pas son objectif. On observera enfin que Madelin dédie son ouvrage à la mémoire de son frère et de trois neveux, tous tués ou disparus au cours du conflit. Il y perdit également un fils.

      Me voilà bien éloigné de Jean Routier et des ses illustrations. Je ne dispose d’aucun élément pour savoir s’il avait une raison particulière d'illustrer ces couvertures, par exemple un lien avec l'auteur. En revanche, il a illustré plusieurs couvertures de cette Bibliothèque Plon à 3 F dans les années 1920 : quatre sont signées ; je suis tenté de lui en attribuer deux autres. Je les présenterai ultérieurement.



 Les couvertures

     Ces deux images (8 x 7,5 cm) montrent en quelques traits l’évolution du conflit, de l’armement et de l’habillement :


Couverture illustrée par  Jean Routier (1920) -
Bibliothèque de l'auteur


- la première évoque une charge de fantassins habillés de couleurs vives et munis d’un fusil avec baïonnette, le Lebel (1886 modifié 1893). Les détails sont exacts : pantalon rouge garance, capote bleue, brodequin surmonté d'une jambière, havresac sur le dos ; le  képi, rouge à la mobilisation, est confectionné dans du drap bleu à partir de septembre 1914. Seule originalité, le foulard noué par simple noeud plat, normalement bleu marine, mais ici à carreaux.




Couverture illustrée par  Jean Routier (1920) -
Bibliothèque de l'auteur

- la seconde offre une vision plus « moderne » de la guerre. Un mitrailleur et son servant installés dans une tranchée ( ?), au milieu d'un paysage dévasté. Les couleurs vives ont disparu et ont fait place au cours de l’année 1915 au fameux « bleu horizon » d'un habillement plus discret, mais aussi plus résistant. Le crâne est désormais protégé par un casque, dit casque Adrian, dont on devine le signe distinctif sur le devant : une grenade pour l'infanterie. La mitrailleuse est de marque Hotchkiss, modèle 1914 ; de calibre 8 mm, sur affût trépied et en position haute pour un tir assis, elle offrait une cadence de tir pratique de 400 c/mn.

 

Comparaisons




     Jean Routier devait avoir une ample documentation à sa disposition, les dessins et les photographies de la guerre étant innombrables. En outre, l’univers de la guerre lui était familier après quatre années et demi passées au front ou à l’arrière. Je compte revenir à plusieurs reprises sur cette période de sa vie. Voici à titre d’exemple quelques documents qui auraient pu servir de modèle et qui permettent d’apprécier la manière de Jean Routier et l’efficacité de son style, allant à l'essentiel.

 La charge

 

 Infanterie française en 1914
Agence Rol, n° 42358
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


 Le Petit Journal - supplément illustré n° 1273 - dimanche 16 mai 1915
Illustration de Louis Bombled (1862-1927)
 Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France



Couverture illustrée par  Jean Routier (1920) -
Bibliothèque de l'auteur
 
















                              Dessin de Louis Bombled (détail)
                           

 la mitrailleuse



Mitrailleuse en 1ère ligne au Bois-Brulé, 
forêt d'Apremont (Meuse) en 1916 - 
Agence Rol n° 47077
 Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Couverture illustrée par  Jean Routier (1920) -
Bibliothèque de l'auteur







Mitrailleuse Hotchkiss modèle 1914 (coll. Mémorial de Verdun)
http://commons.wikimedia.org/wiki/File:French_machine-gun_Hotchkiss_model_1914.JPG



Le réglage d'une mitrailleuse (1915) - Agence Meurisse n° 56708


Notes

[1] http://www.academie-francaise.fr/funerailles-de-louis-madelin-en-leglise-notre-dame-de-lassomption
[2] Cochet (François) et Porte (Rémy) dir. Dictionnaire de la grande guerre. 1914-1918. Paris : Laffont, 2008, p. 667-668 [notice de Rémy Porte] (coll. Bouquins).
[3] Madelin donnait aussi des cours à la Société des Conférences, 184 Bd Saint-Germain. Le journal Le Gaulois relate la première leçon du cours intitulé "Le chemin de la Victoire" (22 janvier 1920), qui connut un gros succès.
[4] http://www.academie-francaise.fr/funerailles-de-louis-madelin-en-leglise-notre-dame-de-lassomption
[5] Cité par http://www.crid1418.org/temoins/2012/07/15/isaac-jules-1877-1963/. L'expression est tirée d'une lettre de Jules Isaac à son épouse en date du 16 janvier 1917 (Jules Isaac, un historien dans la grande guerre : Lettres et carnets, 1914-1917, introduction par André Kaspi, présentation et notes par Marc Michel, Paris : Armand Colin, 2004). Voir aussi son compte-rendu de l'ouvrage de Jean-Norton Cru (De la valeur des témoignages de guerre. Revue Historique, t. 160, janvier-avril 1931, p. 93-100).
[6] Cru (Jean-Norton). Témoins ; essai d'analyse et de critique des souvenirs des combattants édités en français de 1915 à 1928. Préface et post-face de Frédéric Rousseau. Nancy : Presses universitaires de Nancy, 2006, 727 + 195 p. [p. 25]. Reprint de l'édition de Paris : Les Étincelles, 1929. Ce passage (p. 25) figure également dans Du témoignage, Paris, Gallimard, 1930, 116 p. + 154 p. , partiellement réédité en 1967 dans la collection « Libertés » de Jean-Jacques Pauvert.
[7] Horne (John). Entre expérience et mémoire. Les soldats français de la Grande Guerre. Annales. Histoire, Sciences sociales, 60 (5), 2005, p. 903-919. [http://www.cairn.info/revue-annales-2005-5.htm#summary]. On notera enfin que L. Madelin a rédigé la préface d'un journal d'un sous-lieutenant de réserve (Lefevre-Dibon Commandant Paul. Quatre pages du 3e bataillon du 74e R.I. Extrait d'un carnet de campagne 1914-1916. Berger-Levrault, 1921).