mardi 31 décembre 2013

Les Noëls politiques de Jean Routier

     Nouvel aperçu des couvertures dessinées pour le Cri de Paris, cette fois sur le thème de Noël et du Nouvel An, entre 1933 et 1938 : un défilé de cadeaux, avec ou sans cheminée, et des pères Noël parfois inattendus. Là encore, ces dessins, âgés de 80 ans, ne nous sont pas accessibles d'emblée, qu'il s'agisse des personnages représentés ou des événements. J'ai réuni quelques documents contemporains tirés du Figaro, qui fournissent un éclairage et invitent à une recherche plus approfondie.

1933

 

 
Le cri de Paris n° 1917 - 23 décembre 1933  
source : Bibliothèque historique de la ville de Paris (cl. de l'auteur)


     L'ange  garnissant les cheminées est Camille Chautemps, Président du Conseil d'un gouvernement éphémère (26 novembre 1933-27 janvier 1934), dont Jean Routier a pris soin d'indiquer les initiales sur la chemise. 

Camille Chautemps au ministère de l'intérieur Agence Mondial - 1933 

Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

 

Le détail des "cadeaux" est fourni par Le Figaro qui annonce le projet gouvernemental.

 


 Le Figaro , 12 décembre 1933
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

 
Le Figaro , 29  décembre 1933  
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


1934 (I)

 

Le cri de Paris n° 1969 - 21 décembre 1934 
source : Bibliothèque historique de la ville de Paris (cl. de l'auteur)


     Le traité de Versailles, en 1919, avait placé la Sarre sous tutelle de la Société des Nations, la propriété des mines étant transférée à la France pour une durée de 15 ans à l'issue de laquelle un plébiscite était prévu. A quelques semaines du plébiscite, la Société des Nations organise une force internationale dont l'Angleterre assure le commandement. Occasion pour le lieutenant Routier qui a commandé la section sanitaire anglaise n° 3 en 1917 (en tant que sous-lieutenant) de se remémorer quelques traits de civilisation.
Le 13 janvier 1935, les Sarrois (528 185 votants) votent à 90.3 % pour le rattachement à l'Allemagne.







 

Le Figaro , 12 et 14  décembre 1934 
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France



 1934 (II)


Le cri de Paris n° 1970 - 28 décembre 1934 
source : Bibliothèque historique de la ville de Paris (cl. de l'auteur)


     Pierre- Étienne Flandin, Président du Conseil (8 novembre 1934 - 31 mai1935) et Pierre Laval, ministre des Affaires Étrangères offrent à Marianne la "fin de la crise" et "la paix dans la sécurité" : cadeaux ou vœux ?  On sait avec le recul que ces vœux ne furent guère exaucés. On traita davantage la crise budgétaire (par effort d'assainissement budgétaire et politique déflationniste) que la crise industrielle et commerciale. Après le plébiscite sur la Sarre en janvier 1935, conséquence d'un accord avec l'Allemagne, l'année 1935 fut marquée par l'allongement du service militaire porté à deux ans (mars), la conférence franco-anglo-italienne de Stresa  (avril), le pacte d'assistance franco-soviétique (mai), mais aussi par l'accord naval anglo-allemand (juin) et l'invasion de l’Éthiopie par Mussolini (octobre) ; enfin la ratification du franco-soviétique en février 1936 précipita la réoccupation de la Rhénanie par Hitler, le 7 mars [1].


 1935



Le cri de Paris n° 2022 - 27 décembre 1935 
source : Bibliothèque historique de la ville de Paris (cl. de l'auteur)
     
     C'est Marianne qui remet les étrennes 1936 aux membres du gouvernement. Depuis le 7 juin 1935, il est dirigé par Pierre Laval qui cumule la Présidence du Conseil et le ministère des Affaires Étrangères. Il reçoit un jouet un bois ou métal permettant de faire s'affronter deux combattants : l'un est noir, l'autre blanc, allusion au conflit italo-éthiopien dans lequel la médiation française vient d'échouer (plan Laval-Hoare). Au premier plan, Édouard Herriot, ministre d’État, reçoit une nouvelle pipe. Au fond, Georges Bonnet, ministre du commerce et de l'Industrie, avec un nœud papillon. Les autres ministres restent à identifier. Ce gouvernement démissionnera le 22 juin 1936.



 1936

 

Le cri de Paris n° 2074 - 25 décembre 1936 
source : Bibliothèque historique de la ville de Paris (cl. de l'auteur)
    
     Vincent Auriol, ministre des Finances, sous le regard du Président du Conseil Léon Blum (4 juin 1936 - 21 juin 1937), rêve de rentrées sonnantes et trébuchantes.


 1937




Le cri de Paris n° 2126 - 24 décembre 1937 
source : Bibliothèque historique de la ville de Paris (cl. de l'auteur)
     
     Ce n'est pas un rêve mais la réalité qui accable le contribuable parisien si l'on en croit Le Figaro. La France est à nouveau gouvernée par Camille Chautemps (29 juin 1937 - 14 janvier 1938).



Le Figaro , 15  décembre 1937 
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


 1938

 

Le cri de Paris n° 2178 - 23 décembre 1938 
source : Bibliothèque historique de la ville de Paris (cl. de l'auteur)

 

       Un paquet de verges pour le Duce !  Les événements de cette fin d'année 1938 concernent la Tunisie. L'Italie y mène une politique active en raison de la présence de nombreux Italiens dans ce pays. Une série de manifestations revendicatives se produisent en Italie au cours du mois d'octobre, concernant non seulement la Tunisie mais aussi Djibouti, la Corse et la Savoie. Tensions diplomatiques, rencontres bilatérales, protestation de loyalisme des territoires concernés dont rendent compte les journaux. Un gouvernement Daladier est à l'oeuvre (12 avril 1938 - 13 mai 1939). La réaction la plus plaisante est celle du quartier Latin qui, en retour, réclame Venise et le Vésuve !



 


















Le Figaro , 4  décembre 1938 
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France



  
Le Figaro , 9  décembre 1938   
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

      Puis, après un court apaisement, l'Italie dénonce les accords franco-italiens de 1935. La nouvelle est connue le jour de la parution du Cri de Paris. Ce n'est donc pas sans raisons que Routier avait transformé le Père Noël en Père Fouettard...

 

Le Figaro , 23  décembre 1938   
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

 

Notes

 [1]- Kupferman Fred. Pierre Laval diplomate. In: Politique étrangère N°1 - 1986 - 51e année pp. 57-66.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342x_1986_num_51_1_3550

dimanche 29 septembre 2013

Rentrée(s) en 1933

     Pour ménager une transition avec mon précédent billet,  la couverture du Cri de Paris du 30 septembre 1933 fera parfaitement l'affaire.
    
      Le Cri de Paris, hebdomadaire d'échos politiques et mondains, paraissant le dimanche (puis le samedi à partir d'avril 1933), commente sur un mode souvent ironique, voire désabusé, l'actualité politique, intérieure naturellement, mais aussi européenne dans ces années de conférences sur le désarmement et d'installation de régimes autoritaires. Il faudra y revenir lorsque le dépouillement auquel je me livre pour les années 1931-1939 sera achevé et que je disposerai d'un peu de recul. 
     Fondé en janvier 1897, il passe pour le plus  ancien hebdomadaire satirique français. Il se reconnait à son large bandeau rouge qui accueille un titrage noir et surmonte un dessin bichrome rouge et noir. Il inspirera (format et style de couverture) l'hedomadaire "Aux Écoutes" (1918-1940). Pourquoi un dépouillement des années 1931-39 ? Parce que Jean Routier est aux commandes du dessin de couverture. Il y prend la succession de George-Edward (1866-1952), à partir du n° 1810 (6 décembre 1931) et y demeure - avec quelques exceptions que je ne mesure pas encore - jusqu'en 1939 ou 1940, lorsque, selon la formule du Dico Solo, le Cri de Paris devient aphone.

Rentrée...

    des mauvais garçons


 Le cri de Paris n° 1905 - 30 septembre 1933
source : Bibliothèque historique de la ville de Paris (cl. de l'auteur)

     Ce dessin - ainsi que l'un des suivants - n’est pas thématiquement  représentatif des couvertures hebdomadaires de Jean Routier dont les sujets sont en général politiques. En s'en tenant à la seule année 1933, sur 53 numéros parus, la répartition est la suivante :
     Politique étrangère : 27 couvertures dont 11 mettent en scène Hitler
     Politique intérieure : 19 couvertures
     Sujets de société : 7 couvertures


 Rentrée...

    des classes

Le cri de Paris n° 1853 - 02 octobre 1932
source :  Bibliothèque historique de la ville de Paris (cl. de l'auteur)


Rentrée...

    des politiques

 

 Le cri de Paris n° 1897 - 05 août 1933
source : Bibliothèque historique de la ville de Paris (cl. de l'auteur)

     Même pendant les vacances, les politiques pensent à la Rentrée... Le Président du Conseil, Édouard Daladier (veste sous le bras) est renfrogné. Georges Bonnet, son ministre des Finances, fait preuve d’invention  fiscale.

 Le cri de Paris n° 1907 - 14 octobre 1933
source : Bibliothèque historique de la ville de Paris (cl. de l'auteur)

     Cabu déclarait en 2005 n'être pas " de ceux qui disent qu'un bon dessin vaut un article. La caricature, c'est un fusil à un coup. Le lecteur nous accorde trois secondes, il faut être très lisible." [1]. A ce caractère d'instantané du dessin de presse, s'ajoute son caractère éphémère. Parce qu'elle fait référence à l'actualité, cette image n'est d'emblée intelligible que par des contemporains, souvent déjà informés [2]. Ainsi, la compréhension de la couverture du Cri de Paris du 14 octobre 1933 a nécessité quelques recherches pour retrouver son contexte.
  
L'image évoque la rentrée gouvernementale. Elle se passe sans doute à l’Élysée où eurent lieu deux conseils des ministres, l'un le jeudi 12 octobre consacré aux problèmes extérieurs, le second le samedi 14 pour arrêter le texte du projet de redressement financier et économique. Des huissiers reconnaissables à leur chaîne font une haie d'honneur au gouvernement. Édouard Daladier, président du Conseil depuis le 31 janvier 1933, muni d'un dossier "Assainissement", emmène ses ministres parmi lesquels on identifie Georges Bonnet, ministre des Finances (dossier Impôts) ; François Albert, ministre du Travail et de la Prévoyance sociale (dossier Travail), appelé "le ministricule" à cause de sa petite taille ; Lucien Lamoureux, ministre du Budget (dossier Budget) ; je n'ai pas identifié le quatrième, chauve avec de gros sourcils (Albert Sarrault ?). Il s'agit d'un gouvernement composé essentiellement de radicaux.

Le texte, pour être apprécié, doit être éclairé par la presse de l'époque. A quoi fait allusion cette cure de Vichy ? Le parti républicain radical et radical socialiste vient de tenir dans cette ville son 30e congrès, du 5 au 8 octobre 1933. Mais son Président, Édouard Herriot, n'a pu y assister. Il souffre en effet d'un gros calcul rénal et est "cloué à Lyon sur son lit de souffrance" [3]. Il est reconduit à la tête du parti par acclamations ! [4] La presse qui rend compte du déroulement du congrès fait des articles sur la santé de Herriot et publie pendant plusieurs jours les rumeurs et les communiqués médicaux sur l'évolution de la maladie. 
La légende joue donc sur les vertus de l'eau de Vichy qui favoriserait l'alcalinisation des urines et la dissolution de certains calculs et sur les problèmes budgétaires du pays évoqués au Congrès (des "calculs ...budgétaires").

 Daladier à son bureau -  Agence Mondial - 1933
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Georges Bonnet - Agence Mondial - 1932
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Lucien Lamoureux - Agence Meurisse - 1929
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


François Albert - Agence Mondial - 1933
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

     Cette rentrée aura été de courte durée puisque le gouvernement Daladier est renversé le 24 octobre 1933. Son projet d'équilibre budgétaire prévoyait un plan d'outillage national pour lutter contre le chômage, des recettes nouvelles et des économies dont une baisse des salaires des fonctionnaires progressive (de 3 à 6 %)pour résorber le déficit. Le gouvernement engagea la confiance sur l'article 37 (baisse des salaires), ce qui lui fut refusé par 329 voix contre 241 et 31 abstentions. Il remit donc sa démission.


Rentrée...

    des chasseurs


 Le cri de Paris n° 1902 - 09 septembre 1933
source : Bibliothèque historique de la ville de Paris (cl. de l'auteur)

 

      La mise en place du régime nazi, depuis l'accession d'Hitler à la Chancellerie le 30 janvier, est un des grands thèmes de 1933. Jean Routier y consacre de nombreuses couvertures et met en scène 12 fois Hitler  ! Il évoque aussi ce thème en soulignant le trouble que suscite en France la montée du fascisme et le développement des ligues. Les chasseurs font ici les frais de l'humour gavroche. Regardez bien aussi les chiens que Jean Routier se plaît à dessiner - mais il n'est pas le seul : je pense à Pierre Falké (1884-1947) dont les chasseurs, en 1913, avaient aussi des instincts guerriers. En voici un exemple :



 Pierre Falké -Le Rire n° 565, 29 novembre 1913
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France 

 

      Il faudra songer à composer le chenil de Jean Routier. Une vignette du Cri de Paris en fournit un premier modèle, car si cet hebdomadaire est peu illustré, chacune de ses pages est agrémenté de petites vignettes que l'on qualifiera de thématiques, car souvent répétées d'un numéro à l'autre. Jean Routier y excelle.

Vignette aux deux chiens - Le Cri de Paris 1932 (ici, n° 1842, 17 juillet 1932)
source : Bibliothèque historique de la ville de Paris (cl. de l'auteur)



Annexes 

     En marge de Jean Routier, voici quelques autres illustrations de la crise politique d'octobre 1933 publiées dans la presse de l'époque.

 
   Henri-Paul Gassier -Le Petit Parisien , 17 octobre 1933
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


E. Herriot, G. Bonnet et L. Lamoureux, masqués, viennent déposer le projet de budget à la chambre. Dans l'assistance, on reconnaît Léon Blum (Parti socialiste) et André Tardieu (au fume-cigarette ; Républicains du centre, c'est-à-dire centre-droit). 

Henri-Paul Gassier -Le Petit Parisien , 17 octobre 1933
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France



Pierre Dukercy -Le Petit Journal , 25octobre 1933
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France




Notes   

[1] cité par Tillier (Bertrand).- A la charge ! La caricature en France de 1789 à 2000. Paris : Les éditions de l'Amateur, 2005, p. 207.
[2] Tillier 2005 développe ce point p. 83 ss.
[3] Le Petit Parisien du 06 octobre 1933.
[4] "Les troupes radicales n'aiment pas M. Herriot, elles l'adorent." (Ibid.)

 

 








samedi 17 août 2013

Scènes de vacances en 1923


     Quelques images de saison d'il y a 90 ans.

 Les Annales politiques et littéraires, 2098, 1923-09-09, p.293
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France 


  Les Annales politiques et littéraires, 2102, 1923-10-07, p. 403
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France



 Le Journal 1922
Cl. de l'auteur

Regardez bien le "pauvre Arthur" sur ce défait du Journal de 1922, encombré par ses bagages et son chien, et dont on ne sait s'il part ou s'il revient (il tourne le dos au quai ?). Vous le retrouvez sur la bande dessinée des  Annales 1923, mais la femme  est différente. C'est en effet une véritable bande dessinée, au découpage classique en grille (on dit aussi gaufrier) ; chaque case, légendée et parfois munie de bulles, décrit une étape - désagréable - des vacances, saisie de manière très expressive.
 

dimanche 4 août 2013

Une porte d'entrée : le dossier de la Légion d'honneur


     Une bonne intuition : la consultation des archives de la Légion d’honneur [1]. Effectivement, Jean Routier a reçu la Légion d'honneur pour fait militaire. Il est nommé au grade de chevalier par décret du 31 décembre 1930, sur proposition du ministre de la Guerre [2].


 Dossier de nomination dans l'ordre de la Légion d'honneur : chemise
Archives nationales - document conservé aux Archives nationales de Fontainebleau
cote 1980 0035/122/15436


     La décoration lui est remise un mois plus tard, le jeudi 12 février 1931, par le général Andréa, général de division, commandant la place de Paris, commandeur de la Légion d'honneur, devant le 46e régiment d'infanterie [3]. Il est âgé de 47 ans.


 Dossier de nomination dans l'ordre de la Légion d'honneur : procès-verbal de réception
Archives nationales - document conservé aux Archives nationales de Fontainebleau
cote 1980 0035/122/15436

     
 Le général Andréa lors d'une prise d'armes à Vincennes, en 1932
Photo Agence Mondial (extrait)
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


     Au-delà de l'événement dont nous n'avons ni écho, ni image, cette distinction ouvre une première porte sur la biographie de Jean Routier. Le dossier, en ligne sur la base Léonore du ministère de la Culture, se compose de sept pièces contenues dans une chemise, quatre datées de 1930 et 1931 et trois de 1934, la grande chancellerie demandant des compléments pour établir le brevet (établi le 11 septembre 1934) . On y apprend :

      1° son état-civil : il se prénomme Jean, Louis. Il est né à Paris, le 4 mars 1884, au 13, rue Paul Louis Courier (7e arr.). 
Ses parents : Arnaud Edmond Routier, docteur en médecine et Marie-Louise Hélène Griveau.
Il se marie le 11 février 1911 avec Henriette Marie Suzanne Laurans.
   
      2° sa situation professionnelle : il est qualifié d'artiste peintre. Bachelier es lettres, puis élève à l’École des Langues orientales.

     3° son parcours militaire : depuis son engagement en novembre 1904 à sa promotion comme lieutenant en 1924. Il a servi pendant la totalité de la guerre 1914-1918. On reviendra ultérieurement sur les opérations auxquelles il a participé. Retenons une intoxication par les gaz en avril 1918. Il a reçu la croix de guerre.

     L’administration de la grande chancellerie a porté sur la chemise la date du décès de Jean Routier quand elle en a été avisée  par la Pairie (?) générale en août 1954 : 28/6/54. Toutefois, cette date est partiellement erronée. L'acte de décès, consultable à la mairie du 17e arrondissement, indique que Jean Routier est décédé à son domicile, 2 rue Aumont-Thiéville, le 28 juin 1953.


Notes

[1]  La base Léonore donne accès aux dossiers nominatifs des personnes nommées ou promues dans l'Ordre de la Légion d'honneur depuis 1802 et décédées avant 1977 (http://www.culture.gouv.fr/documentation/leonore/]. Le droit de réutilisation et  de rediffusion du dossier de Jean Routier m'a été accordé par contrat en date du 18 juillet 2013.
[2] J.O. du 4 janvier 1931, p. 120 (non consulté). La grande guerre a provoqué un accroissement des effectifs des décorés. Une législation spécifique apparaît : voir par exemple la loi du 21 juillet 1922 augmentant le nombre de décorations sans traitement de la Légion d'honneur (J.O. du 23 juillet 1922). Mais ici, le dossier porte la mention "Réserve avec traitement". Le calcul figurant en haut à gauche semble celui du traitement (avec déduction du coût du brevet ?).
[3] Charles Joseph Édouard Andréa (Arbent, Ain 1874/04/29 - Guebwiller, Haut-Rhin 1954/02/18). Il fut promu grand officier de la Légion d'honneur le 28 décembre 1932. Son dossier, également sur la base Léonore, détaille sa carrière militaire jusqu'à cette date.

lundi 15 juillet 2013


Un dessin de circonstance

Ce dessin est assez caractéristique du graphisme de Jean Routier et de son souci du détail. Il a été publié il y a exactement 90 ans, le 15 juillet 1923, dans Les Annales politiques et littéraires : revue populaire paraissant le dimanche. Son auteur avait alors 39 ans.



 Les Annales politiques et littéraires, 2090, 1923-07-15, p. 78
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France




lundi 24 juin 2013

État des lieux : les notices publiées


     En bonne méthode, commençons par un bilan des connaissances. Que nous disent les écrits ? Je n'ai recensé que trois notices récentes imprimées.

Dico Solo 1996, p. 577 : brève notice de 13 lignes. "Dessinateur humoriste sportif et politique, principalement illustrateur, émule de Caran d'Ache qu'il rappelle parfois par le traité. Sociétaire des Humoristes, expose aux humoristes sportifs." Suit une liste de 14 titres de presse. Pas d’illustration.

Dico Solo 2004, p. 758 : la nouvelle édition, étoffée, ajoute une précision ("principalement illustrateur, de Gaston Pawlowski entre autres,...") et une appréciation ("De fort jolies idées bien servies par un graphisme très précis et détaillé"). Le nombre de titres de presse passe de 14 à 21. La notice est illustrée de trois dessins de presse de 1921 - dont un en couleurs -  non référencés. 

Osterwalder 2005, p. 1385 : ce dictionnaire consacre une page à Jean Routier. "A travaillé de 1909 à 1945. Dessinateur français. Sociétaire du Salon des Humoristes, Jean Routier illustra des classiques de la littérature et collabora, avec des dessins humoristiques inspirées de Caran d'Ache et de H.M. Bateman, à la presse française." Suit une liste de 16 ouvrages illustrés et de 11 titres de presse. La notice est illustrée de deux dessins (l'un, extrait de Je sais tout, 1919 ; l'autre des Annales, 1925).

Embs, Mellot 2006, p. 281 : " ?-? Dessinateur humoriste et illustrateur français." Liste de huit ouvrages illustrés .

En revanche, le nom n'apparait pas dans d'autres dictionnaires :  Edouard-Joseph 1934, Bénézit 1966, Dugnat et Sanchez 2001.

Francis Carco (1886-1958), Les Humoristes, consacre quelques lignes élogieuses à Jean Routier [1].

 

 Enfin, deux sites web s'intéressent à Jean Routier :

 - le site d'André Leroux, voué aux publicités de l'automobile, présente une riche galerie d'illustrateurs [2]. Jean Routier figure parmi les illustrateurs "à découvrir" : "Jean Routier était un dessinateur humoriste, sportif et politique, mais surtout un illustrateur de talent. Inspiré par Caran d'Ache, son graphisme était précis et détaillé. Il collabora avec quelques publications automobiles comme Automobilia ou L'Auto Garage, et fut l'auteur de quelques publicités automobiles durant les années 20."

 - le site des 3P, déjà mentionné, dédié aux collections Nelson éditées en France entre 1910 et 1964 consacre une page à l'illustrateur [3] et fournit des documents inédits et intéressants dont une photo de famille dont les auteurs du site supposent qu'elles le représentent en 1893, en vacances, à Port de Bouc. Bonne découverte. Je confirme qu'il s'agit bien de Jean Routier, alors âgé de 9 ans. Son activité globale est située entre 1923 et 1953. Enfin, la photo d'une toile confirme qu'il a aussi fait de la peinture.

Aucune de ces sources ne précise les dates de naissance et de décès de Jean Routier. La notice d'autorité personne du catalogue de la BnF avance "1885 (?) - 19..". Les établir sera l'objet du prochain article.

 Notes
[1] Carco (Francis).- Les Humoristes. Paris : Librairie Paul Ollendorff, 1921, 205 p., 20 ill. h.t. [p. 27]
[2] http://leroux.andre.free.fr/jeanroutier.htm
[3] http://www.collectionnelson.fr/GG2.PHP?CLE=61&COL=GC

Bibliographie

BÉNÉZIT (E.).- Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs de tous les temps et de tous les pays (...). Nouvelle édition, t. 7. Paris : Librairie Gründ, 1966.
DUGNAT (Gaïté) et SANCHEZ (Pierre).- Dictionnaire des graveurs, illustrateurs et affichistes français et étrangers (1673-1950). T. V : Q - Z. Dijon : L’Échelle de Jacob, 2001.
ÉDOUARD-JOSEPH.- Dictionnaire biographique des artistes contemporains : 1910-1930. T. III. Paris : Librairie Gründ, 1934.
EMBS (Jean-Marie) et MELLOT (Philippe).- 100 ans de livres d'enfant et de jeunesse : 1840-1940. Photographies de Jean-Jérôme Carcopino. Paris : Éditions de Lodi, 2006, 300 p.
OSTERWALDER (Marcus).- Dictionnaire des illustrateurs. 1905-1965. XXe siècle. Deuxième génération. Illustrateurs du monde entier nés entre 1885 et 1900. Neuchâtel : Ides et Calendes, 2005, 1984 p.
SOLO.- 5000 dessinateurs de presse et quelques supports en France de Daumier à nos jours. Paris : Solo-Saint-Martin & Groupe Té-Arte, 1996.
SOLO.- Plus de 5000 dessinateurs de presse & 600 supports en France de Daumier à l'an 2000. Vichy : Aedis, 2004, 911-XI p.




dimanche 23 juin 2013

Fondations : pourquoi et comment ?


 
      La curiosité résulte souvent du hasard. Dans mon cas, ce fut l'acquisition, à l'automne 2009, dans une brocante, d'un lot d'ouvrages de la collection Nelson, certains encore munis de leur jaquette. Parmi ces derniers, la série "Le Mouron Rouge" offrait les signatures de Frédéric Auer, Maurice Berty, Jacques Poirier et Jean Routier. Plus tard, l'identification de ces illustrateurs montra que la production de Jean Routier était mal documentée et que même sa biographie était incertaine. La recherche d’images me ramenait sans cesse aux seules jaquettes de la collection Nelson. Toutefois, la fréquentation du très savant site consacré aux éditions Nelson (1) ne fit que renforcer mon intérêt et attiser ma curiosité : il recense 45 ouvrages auxquels est associé le nom de Jean Routier, le plus souvent par la réalisation de l'image de la jaquette, plus rarement par des illustrations à l'intérieur du volume ; il ouvre aussi une perspective sur d'autres productions, notamment publicitaire ; surtout, il a provoqué mon engagement, puisque j'ai proposé aux "3 P" - auteurs de Nelson's Collections - de rédiger une notice sur cet illustrateur.


 

Baronne Orczy.- La vengeance de Sir Percy.


Couverture mobile illustrée par Jean Routier (signature en bas à gauche).

Paris : Nelson Éditeurs, 1957 [l'édition originale est datée de 1952 ; c'est la dernière couverture que Routier a signée pour cet éditeur].







 



Source :
http://www.collectionnelson.fr -(Grande collection 247)




 La couverture la plus réussie est, selon moi, celle du roman de Kipling, Sous les déodars, datable de 1925.  
















    
      
    
     Mais que de chemin à parcourir pour dépasser la livraison de simples éléments biographiques. En l'absence de regard interne (autobiographie, entretiens dans la presse) ou externe (critiques, témoignages), je suis actuellement bien empêché d'écrire une biographie qui aurait du sens. Font même encore défaut la plupart des séquences obligées du parcours recomposé des caricaturistes et dessinateurs de presse par les nécrologies, parcours caricatural tel que le définit Bertrand Tillier (2) : « le milieu familial, la formation première, l'obsession du dessin, la reconnaissance des aînés, les débuts de caricaturiste, les étapes et les rencontres décisives. » Tout est à faire et les sources semblent limitées : pas de fonds particulier, pas d'archives constituées repérées, pas de témoin oral, mais seulement les traces ténues et ponctuelles de toute vie ordinaire – comme les actes administratifs – et bien sur les œuvres dont le corpus reste à constituer.

     Je n'ai d'autre choix que d'accumuler patiemment les matériaux. La méthode sera celle du puzzle et la démarche quasiment archéologique. Privée de postérité, l’œuvre n'existe actuellement que sous forme de vestiges dispersés. Il s'agira de collecter ces fragments, de les confronter, de les assembler et d'en donner une interprétation. Aucun indice ne sera négligé, même minime. Il s'agira en somme d'épuiser le sujet, au sens de Georges Pérec dans sa Tentative d'épuisement d'un paysage parisien (1975). Différence majeure, ce n'est pas un paysage visible et vivant qu'il s'agit de décrire, mais une vie passée dont ne subsistent que des bribes.

     Le blog m'est apparu comme la meilleure forme de diffusion de ces enquêtes, adaptée aux aléas de la recherche et autorisant redites et repentirs, bref, un certain désordre, sans souci exagéré de l'image finale. Il permet surtout de réfléchir à haute voix et de poser des questions. En appelant ainsi l'attention sur Jean Routier, j'espère susciter des réactions, des apports documentaires, voire des témoignages.


(2) Tillier (Bertrand).- A la charge ! La caricature en France de 1789 à 2000. Paris : les éditions de l'Amateur, 2005, 255 p. [p. 83]